Tout est parti d'une discussion entre "filles" pendant laquelle nous avons commencé à parler de nos compagnons. L'un d'entre eux vit une histoire familiale difficile en ce moment et doit également gérer quelques soucis professionnels. Il est donc tendu, stressé et cela entraîne des répercussions sur la vie de couple et l'ambiance au sein du foyer.
Sa compagne m'explique que tout cela lui pèse, qu'elle aimerait pouvoir en discuter avec lui parce qu'elle se sent bien impuissante pour l'aider parce ce qu'il ne la laisse pas "entrer dans sa caverne" (rappelez-vous, les hommes viennent de Mars), ne veux pas en parler...
Et là, force a été de constater que la plupart des femmes présentes ont indiqué que leur compagnon avait le même type de comportement. En gros, nos hommes ne pleurent pas, ne se plaignent pas, ne racontent pas leurs soucis, ils "gèrent" de leur côté...
A la question "Et toi, tu as déjà vu pleurer ton compagnon ?" la réponse est quasi unanime : oui, lorsqu'il a perdu un membre de sa famille ou un proche mais rarement lors d'une dispute, lors d'une déception, lorsque ça se passe mal au travail, lorsqu'il a abîmé sa voiture, lorsque notre enfant est hospitalisé, devant un film...
Je parle souvent de la pression sociale subie par les femmes mais rarement celle subie par les hommes. Et pourtant, elle est belle et bien présente et pesante.
L'homme, c'est celui qui, au temps des cavernes, allait chasser le mammouth pour nourrir toute la famille restée bien à l'abri dans la grotte. S'il se faisait piétiner par ledit mammouth, "même pas mal", il se relevait et revenait en boitant (dans le meilleur des cas) pour ramener de quoi ravitailler femme et enfants.
Depuis des millions d'années donc, l'image véhiculée était celle de l'homme fort, robuste, courageux, viril, qui s'occupait de sa femme et de ses enfants parfois au péril de sa vie, ne rechignait pas à la tâche et travaillait durement pour le bien des autres.
Illustration Les Créas de Nono |
Dans une étude menée en 1974, Rubin montrait des nouveaux-nés à des adultes. Lorsqu'il présentait les enfants comme étant des garçons, les personnes pensaient à "fort, robuste, bien bâti". Lorsqu'il les présentait comme étant des filles, les commentaires étaient "fine, délicate et douce".
Une étude similaire avait été réalisée par Françoise Héritier qui donne des résultats presque identiques : elle présente la photo d'un nourrisson qui pleure. Les personnes répondent "en colère" si l'enfant est présenté comme un garçon, "effrayée" si l'enfant est présenté comme étant une fille.
Les attentes des parents ou de l'entourage sont différents en fonction du sexe de l'enfant, de manière inconsciente la plupart du temps. Même si on parle de plus en plus des stéréotypes et que les actions se multiplient pour sensibiliser le plus grand nombre, il reste encore beaucoup à faire pour changer ces mentalités bien encrées.
En effet, qui n'a jamais entendu "Mais arrête de pleurer comme une fillette" adressé à un petit garçon ?
Comme le disait Brigitte GRESY dans une interview accordée à Eve Le Blog "Tout ce qui est connoté masculin est valorisé, y compris pour les filles qui s’en emparent. Et que tout ce qui est connoté féminin est dévalué, surtout pour les garçons. Les petites filles ne sont pas découragées de prendre exemple sur les petits garçons, mais il est interdit aux petits garçons de prendre exemple sur les petites filles. Etre une “fille manquée”, ça n’existe pas, ça mettrait directement en cause la virilité et vous sentez bien les relents d’homophobie que ça éveillerait."
Et c'est ainsi que se sont construits les hommes d'aujourd'hui... Parfois, j'ai envie de leur dire : " Lâchez-vous les mecs, pleurez, sortez de votre grotte, exprimez-vous !!! Vous pensez qu'on vous aimera moins si vous avez des yeux rouges et bouffis, qu'on aura vu la fameuse "part de féminité" qui sommeille en vous, que vous aurez ENFIN lâché prise et que vous nous aurez montré votre "faiblesse" ??? ".
Alors bien sûr, nous avons toutes et tous dans notre entourage des hommes qui pleurent, se confient, parlent de leurs soucis...
Mais pour certains, l'image d'un homme qui pleure est tellement loin du rôle social encré en eux qu'il sera difficile de les faire changer ou accepter de se laisser aller.
Alors c'est peut-être auprès de nos enfants qu'il est possible de commencer à faire avancer les mentalités. En tous cas, c'est ce que je souhaite pour les miens.
Lorsqu'un de mes fils est en colère, lorsqu'il pleure, j'essaie d'appliquer les principes de l'éducation bienveillante qui me semble aussi bien convenir à une petite fille qu'à un petit garçon. Je le laisse pleurer, je lui explique qu'il a le droit d'être triste et d'exprimer ce qu'il ressent. Je ne lui demande pas de ravaler ses larmes et d'agir "comme un garçon", non, je prends le temps qu'il faut pour qu'il puisse se vider de toute cette tristesse et d'en discuter avec lui s'il le souhaite.
Illustration By Erika |
Je sais que cette démarche n'est pas comprise par tout le monde, que laisser pleurer son garçon, c'est en faire une "fillette" mais je n'ai pas la même conception.
Je n'ai pas envie de voir mon enfant s'enfermer dans un rôle social auquel il peut échapper si, dès son enfance, nous lui donnons la possibilité d'exprimer ses sentiments, non pas comme le ferait "une fille" mais comme devraient pouvoir le faire tous les êtres humains.
Pour aller plus loin :
Le rapport de Brigitte GRESY et Sylviane Giampano "Le poids des normes dites masculines sur le vie professionnelle et personnelle des hommes du monde de l'entreprise" téléchargeable sur le site de l'ORSE
Les interviews de Brigitte GRESY sur le site Eve Le Blog
Le site "Les supers Parents"
Les différentes études mentionnées dans l'article sont détaillées dans "L'élaboration socialisée de la différence des sexes" - Marie-Claude HURTIG
Je te rejoins complètement , très bon article.
RépondreSupprimerJ'ai appris et apprend à mes enfants que pleurer, être angoissé etc est humain que pour trouver des solutions et se sentir mieux vider son sac fait du bien.
Aprés il faut effectivement prendre en compte le fonctionnement de chacun sur mes trois loustics un à le fonctionnement cocotte minute il garde tout longtemps et ça pète au bout d'un moment et mes deux autres verbalisent verbalisent encore et encore lol
Pour ce qui des des mâles qui le valent bien,pour ceux qui ont partagé ma vie je préfère prendre mon joker concernant leur façon d'évacuer leur stress et leurs angoisses c'est mieux lol (j'ai point eu de bol je serais un mauvais exemple pour enrichir cette conversation^^)
Merci !
SupprimerC'est difficile de faire bouger les choses tellement elles sont encrées depuis des siècles mais on peut commencer (ou continuer) avec nos enfants, notre entourage.
un jour, l'homme a dit au 10 ans (qui en avait environ 8 à l'époque), (l'homme était en colère): "arrête de pleurer, t'es pas une fille!". Il lui a dit une fois, une seule. J'étais là. j'ai bondi!! "nan mais ça va pas de lui dire un truc pareil!! t'as rien trouvé d'autre comme connerie?! Il a le droit de pleurer! Les garçons pleurent aussi! T'en as d'autres comme ça sous le coude?!!"... (bon le 8 ans avait fait un truc pas bien, mais n'empêche!! )
RépondreSupprimerLa Carne Power !!!
SupprimerJe l'entend tellement souvent cette expression à la sortie de l'école, dans les parcs, les lieux publics... Preuve qu'il est temps de faire quelque chose pour que les petits garçons aient le droit de pleurer comme tout le monde :-)
Tu as complètement raison ! J'ai moi aussi un garçon, et je ne compte pas l'éléver en entretenant ces préjugés sexistes et rabaissants ! Évidemment qu'un homme a le droit de pleurer ! Mais c'est vrai que cette mentalité est ancrée dans notre société, et mon homme le 1er a du mal a se livrer et a se laisser aller. C'est malheureux, mais il n'est pas trop tard pour essayer d'améliorer les choses, comme tu le dis si bien dans ton article.
RépondreSupprimerMerci :-)
SupprimerTrès chouette article, merci.
RépondreSupprimerJ'ai la chance d'avoir un homme qui arrive à se confier (bon, parfois, je vois bien que ça ne va pas alors qu'il ne compte pas m'en parler et il suffit que je lui pose la question et il vide son sac) et j'espère bien qu'avec nos enfants, nous arriverons à casser les "éventuels automatismes" qui pourraient nous faire réagir de cette façon !!! ;)
Merci à toi !
Supprimertrès bel article et pensées! je suis tout à fait d'accord avec toi. merci d'y mettre des mots et pour tes conseils avec tes garçons.
RépondreSupprimerMerci pour ton retour :-)
SupprimerEt bien mon mari pleure!
RépondreSupprimerVous êtes le couple le plus "anti-stéréotype" que je connaisse :-)
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